
Pluie Fine aux Déchargeurs : une jeune femme, dans l’antichambre de la mort, face à ses souvenirs, choisit son avenir. Une pièce rassurante, bienveillante, une belle distribution dans une ambiance onirique. Un coup de cœur pour ce beau spectacle créatif à ne pas rater.
La scène est blanche, sol, murs, même les fauteuils de la salle sont couverts d’un film blanc. Des nappes de synthé. Un aquarium, plein de boules blanches. Voilà Aya, coiffée de diamants, qui arrive, découvre. C’est grand ! Oui, c’est grand…
Lui, c’est Costa. Ils sont grand frère et petite sœur. Dans cet univers de blancheur, ils vont voir défiler la vie d’Aya, les moments importants, la mer, le soleil. Est-ce qu’ils sont morts ? ils sont coincés dans leurs souvenirs. Plus tard on comprendra qu’Aya n’est plus vivante, pas encore morte, au seuil de la lumière blanche, à devoir choisir comment veiller le mieux sur ceux qu’elle aime. Un espace blanc comme celui des dernières séquences de 2001 l’Odyssée de l’Espace, une lumière blanche comme l’aperçoivent ceux qui sont revenus d’une Near Death Experience. Dans cet espace incertain, peut-être un coma dont elle peut revenir, Aya refait son voyage. A travers un patchwork d’instants qui reviennent, qui lui rappellent ceux qui l’ont entourée au fil de sa vie. Aya est jeune, si son voyage est court, il n’en est pas moins intense.
Aya prendra sa décision.
Je suis sorti de la salle avec un grand coup de cœur pour Pluie Fine. C’est une belle pièce, dont le propos se tient, qui ne lâche pas l’attention du spectateur, il sort en se confrontant à son imaginaire le plus incertain, ce qui se passe après la vie.
Sur ce même thème, j’ai vu des pièces noires, des pièces moralisantes, des pièces introspectives. Pluie Fine est d’abord une pièce bienveillante. Pour son personnage central, Aya n’est jamais jugée. Pour le spectateur, qui sera face à sa propre réflexion.
J’ai apprécié la finesse du texte, qui sait virer de bord et prendre de la distance quand il pourrait devenir moralisateur ou verbeux. Il y a de très belles phrases, dans ce texte, de ces mots bienveillants dont le propos envahit le spectateur, qui le laissent apaisé devant l’évidence profonde. Veille sur moi, prends de l’avance… Tu me laisse seul, mais je te pardonne… On espère savoir le dire quand il faudra le dire. Un texte homogène, cohérent, avec dont même les respirations coupent le souffle, on y savoure le souvenir d’un karaoke au japon…
Un texte fin, soutenu par une mise en scène agile, poétique, appuyée sur une ambiance onirique, la lumière, le son, et la scénographie, maline, qui intègre l’espace où le spectateur vient s’asseoir.
Un texte fin, servi par une belle distribution convaincue. Zoé Lepetitdidier-Carcano, qui est Aya, volontaire, savoureuse, inspirée. Fabio Riche est Costa, calme, patient, habité. Baudouin Sama, qui sera la mer, le soleil, Lucas l’ami, le père, qui apporte un grain de folie, dont la voix grave et posée est toujours rassurante.
La salle était comble, un soir de quart de finale de coupe du monde, c’est signe de la qualité de Pluie Fine. Comble et comblée, qui a longuement applaudi la troupe à la fin de la représentation, de ces applaudissements qui veulent simplement dire Merci.
Je n’ai pas voulu naître, mais le jour de ma naissance, ma mère m’a donné la survie.
Par la compagnie Les Gosses de Bonne Famille, une compagnie à suivre avec attention.
Au Théâtre des Déchargeurs jusqu’au 18/12/22
Samedi, dimanche : 19h15
Texte : Fabio Riche
Avec : Zoé Lepetitdidier-Carcano, Fabio Riche, Baudouin Sama
Mise en scène : Fabio Riche
Visuel : Guillaume Plas, Léa Rousse Radigois