
Likez-vous les uns les autres à La Contrescarpe : Philippe Fertray pose à nouveau son regard acide et ses mots inventés sur notre univers connecté, faisant le grand écart entre le monde d’avant et celui où tout se recyclera. Un ludion politiquement incorrect, à savourer en long drink.
Sur la scène, un franc désordre. Deux portants, un miroir sur pied. Des sacs, de ceux qui servent pour les courses, cinq ou six, pleins. Un jerrican rouillé. Dans un coin, une lampe, couverte d’un mouchoir. Une feuille de papier scotchée. En fond, une musique rythmée, une voix compte. Robe numéro 1… Voilà Fertray ! Ils appellent ça des robes, c’est pas possible !
Philippe Fertray pose à nouveau son regard sur le monde, et ça décape toujours autant. Après s’être confronté au monde de la formation professionnelle dans Mode Projet, il a trouvé un emploi. Il est mannequin, et défile pour la fashion week. Pas au Grand Palais pour Chanel. Dans un hangar, à l’est de Paris, pour un improbable créateur chinois qui présente ses créations au Salon du Recyclage. Ça tombe bien, il parle un peu la langue.
Pendant qu’il attend son tour, il parle, de tout. Avec son regard acide qui ne cède pas aux modes de l’époque. Toujours politiquement incorrect, un peu moins tendre.
Likez-vous… est un spectacle à deux niveaux. Il y le défilé, les robes improbables de Sophy Adam, vous ne verrez plus jamais votre masque de la même façon. Théo. Un comique de répétition, le liant entre les sketchs. Parfois un peu désordonné.
Et les sketchs. Là, Fertray est lui même, acide, excellents. Il prend une situation, jargonne, invente des mots, et la pose dans la tête de ses spectateurs. Pour les jeunes spectateurs, c’est déjà un travail d’historien que d’explorer ce monde d’avant, cigarettes au bec, sans les smartphones ni le wokisme.. Nous voilà en train d’attendre un bus. De naviguer à travers la campagne. On croise un syndicaliste tout aussi perdu devant la langue inclusive. Une vendeuse d’eau. Et puis… Là, Fertray jargonne, invente des mots, son trait incisif grave les moments. En bougonnant, sans râler. Jean Yanne plus que Jean-Pierre Bacri. Revoyez Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Le monde est comme ça, on n’y peut rien, on doit le voir comme il est.
Likez-vous…, c’est un peu comme de la Chartreuse en long drink. C’est moins fort, ça se boit plus facilement. A chacun de trouver le dosage qui lui plait. J’ai goûté la Chartreuse pure, j’ai apprécié d’en retrouver le goût. J’ai eu plaisir à retrouver ce ludion coloré, politiquement incorrect, acide et tendre qu’est Philippe Fertray.
A La Contrescarpe jusqu’au 31/07/23
Lundi, mardi : 19h00; mercredi, jeudi : 21h00; dimanche : 18h30
Durée : 1h10
Texte : Philippe Fertray
Avec : Philippe Fertray
Mise en scène : Servane Deschamps
Visuel : Studio Furax
Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com