
C’est extra, c’est extra aux Déchargeurs : Wanda Bernasconi vous emmène revivre la vraie première fois, celle des quinze ans, dont on se souvient toute sa vie. Un chouette spectacle tendre et touchant.
D’un côté de la scène, une chaise. De l’autre, un plateau couvert de poudre blanche, un micro démonté, une sacoche en toile cirée. Wanda Bernasconi entre en scène, bricole les morceaux du pied du micro, arrive à l’assembler. S’arrose le visage d’eau, le plonge dans la poudre. Je vous préviens, l’été va nulle part à Gloucester. Je vous préviens, on va pas se marrer.
En quelques gestes, Wanda Bernasconi a posé son personnage. Au sortir de l’enfance, quand on ne sait pas encore quoi faire de son corps un peu pataud qui a grandi, quand on voudrait qu’on vous distingue dans une masse dans laquelle on se dissimule. On est à Gloucester, elle a quinze ans, en séjour linguistique, hébergée dans une famille anglaise.
Aidée de Lucile Rose pour l’adaptation, de Jeanne Bazelaire pour la mise en scène, Wanda Bernasconi joue le roman Jusqu’aux os de Claudine Galea. Un jeune fille, des parents séparés qui ne s’entendent pas, une mère intruso-possessive. Un séjour linguistique. Dans le groupe, Emma, celle qui a tout, la beauté, l’audace, l’argent. La jeune fille se compare, se replie, s’isole. Lit beaucoup, mange peu. Jusqu’à l’arrivée d’Eric. Lui, il a seize ans, il est nonchalant, de l’autre côté de la barrière. Et il est beau, sûr de lui. C’est l’Amour.
C’est extra, c’est extra est un spectacle touchant, sensible et plein d’humour tendre. Claudine Galea raconte une tranche de vie très fine, ce moment où tout se joue, ce moment où, pour la première fois, sans qu’on le veuille vraiment, quelqu’un vous choisit. Ce moment dont on se souvient toute sa vie. Wanda Bernasconi joue de son corps, quelque part entre le mime et la danse, pour rendre la gaucherie et les postures bizarres qui vont avec. Elle porte le texte, le vit, le rend avec talent et conviction.
Je l’ai reçu avec la nostalgie de mes séjours linguistique à Watford, le premier, quand je ne savais pas, le second, quand je savais. J’ai regretté de ne pas avoir amené mes deux ados, ils y auraient vu une sorte de mode d’emploi, c’est important à cet age.
C’est extra, c’est extra est de ces spectacles qu’on a envie de digérer tranquillement, qui vous emmènent dans un recoin de vos souvenirs, comme une photo qu’on a protégée de la lumière et dont on redécouvre des années plus tard la force des couleurs. Un chouette spectacle.
Aux Déchargeurs jusqu’au 16/06/23
Jeudi, vendredi : 21h15
Durée : 1h00
D’après le roman Jusqu’aux os de Claudine Galea édité au Rouergue – adaptation, création Wanda Bernasconi, Lucile Rose
Avec : Wanda Bernasconi
Mise en scène : Jeanne Bazelaire, Wanda Bernasconi
Visuel : Pauline Le Goff / Léa Rousse Radigois
Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com
