
Cahin Caha aux Déchargeurs puis à La Scala Provence : Daniel Martin et Jean-Claude Leguay servent le texte de Serge Valetti avec une gourmandise contagieuse. Une pépite de non-sens philosophique, à ne pas rater.
Au fond de la scène, un paravent, sur les pans quelques morceaux de papier peint japonais. Un banc, long, solide. Deux mallettes. De l’arrière du paravent… Alors ? Alors quoi ? Comment on commence ? Comme d’habitude.
Ils sont deux. Daniel Martin joue du trombone, il porte une petite cravate et des chaussettes rouges. Jean-Claude Leguay joue de la trompette, il porte un nœud papillon et des chaussettes vertes. Mais avant de jouer, ils parlent. Du silence, de la façon dont on communiquait avant l’invention du langage. Des histoires à qui il manque le début, la fin est toujours la même. Plus tard, du théâtre.
Leur grand sujet ? Lequel des deux va mourir le premier. La vraie amitié ne consisterait-elle pas à mettre fin aux jours de son ami qui souffre trop ? Mais comment faire pour ne pas se faire prendre ? N’est-ce pas le moment de creuser la cause de cette souffrance ? Les voilà partis sur le chemin d’une réflexion tortueuse.
Serge Valletti a écrit un beau texte. Dans un délire verbal parfaitement rationnel, la gymnastique de leurs idées saugrenues transforme petit à petit un homme paisible en un parfait psychopathe prêt à massacrer toute une famille pour venger son ami.
Entré dans la salle un peu méfiant sur la foi d’un teaser qui ne rend pas justice à la qualité du spectacle, j’ai rendu les armes dès les premières répliques. Le texte est fin, il est merveilleusement servi par un duo d’acteurs très justes. On rit, on se laisse embarquer, on savoure les horreurs surréalistes, on retient quelques phrases bien senties.
Daniel Martin et Jean-Claude Leguay forment une belle paire d’acteurs. Ils s’attendent, s’écoutent, se regardent, chacun se nourrit du jeu de l’autre. Leur complicité et leur plaisir se ressentent du début à la fin, les spectateurs les saluent à la fin du spectacle de longs applaudissements.
A ne pas rater, que ce soit aux Déchargeurs où la pièce se joue jusqu’au 20 juin, ou au Off d’Avignon, où elle se donne à La Scala Provence.
Aux Déchargeurs jusqu’au 20/06/23
Lundi, mardi, dimanche : 21h00
Durée : 1h00
Avignon 2023 : La Scala Provence, 17h30
Texte : Serge Valletti
Avec : Jean-Claude Leguay, Daniel Martin
Mise en scène : Gilbert Rouvière
Visuel : Pascal Gély / Léa Rousse Radigois
Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com
