Mon Père (pour en finir avec) au Théâtre La Flèche : du grand Pierre Notte

Mon Père (pour en finir avec) au théâtre La Flèche : une histoire de famille, du grand Pierre Notte, servi par une distribution aux petits oignons. Ça balance, ça pétille, c’est caustique et irrévérencieux. J’ai pris un pied intégral.

Six chaises sont alignées sur la scène. Une paire de gants rouges sur la première, une valise et le texte sur la sixième. La troupe entre, s’assied. C’est dans la grande maison familiale, la mère regarde ses trois enfants. Deux enfants naturels, un garçon et une fille; un enfant adopté, le fils préféré. La mère a l’air sévère d’une vieille institutrice des années 60. Elle s’adresse d’abord à sa fille, Tu aurais pu te maquiller.

Dès le début, ça pétille, et c’est caustique. Après dix ans d’absence, leur père revient mourir dans la maison de famille. Ils viennent le voir une dernière fois. En faisant juste l’aller-retour. Alors les souvenirs, surtout les mauvais, se bousculent, et les rancœurs se perpétuent. Sauf que c’est une pièce de Pierre Notte, ça ne peut pas être aussi simple.

On est peut-être dans la maison, ou peut-être dans la tête du père. En tout cas ça se bouscule, et ça défile. Les moments, les personnes. On croise des fantômes. La famille du père, sa mère, ses sœurs. Un jardinier. Une jeune fille de 14 ans. Parfois, c’est glauque, très glauque. Mais c’est toujours irrévérencieux, alors ça ne sombre pas. Si le père est absent, l’auteur est là, sur la scène, et de temps en temps les personnages s’adressent à lui, ils contestent. Petit à petit, à travers ses souvenirs, le Patriarche se révèle comme il était vraiment, abject, sa statue se délite, quelques autres comptes se règlent au passage. L’agonie prend fin, la mère peut abandonner sa sévérité et trouver enfin ses enfants. Parce qu’une vie sans amour, c’est une maison vide avec des gens perdus dedans.

C’est vrai, j’adore ce que fait Pierre Notte, et une fois de plus j’ai pris un pied intégral. Ca pétille, c’est caustique, c’est irrévérencieux, ça ne respecte aucune règle et quand on sort, on se rend compte qu’un vrai sujet a été traité à fond. Il y a des bons mots, des aphorismes, parfois des mauvais jeux de mots assumés. La distribution est magistrale. Muriel Gaudin, Benoit Giros, Silvie Laguna, Shékina, Clyde Yeguete, tous sont parfaits dans les personnages qu’ils incarnent, chacun m’a bluffé à un moment où à un autre.

Pierre Notte occupe sa place, une place rare, une place qui se créerait difficilement dans notre temps où la bonne conscience règne en maître. On a de la chance qu’il soit là. Alors on en profite, parce que sa provocation, c’est un outil au service des sujets qu’il traite, pas un objectif.

Au Théâtre La Flèche jusqu’au 15/09/23
Du mardi au vendredi : 21h00
Durée : 1h25

Texte : Pierre Notte
Avec : Muriel Gaudin, Benoit Giros, Silvie Laguna, Pierre Notte, Shékina, Clyde Yeguete
Mise en scène : Pierre Notte

Visuel :

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com

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