L’Odeur de la Guerre à La Scala Paris : quel spectacle, quelle actrice !

L’Odeur de la Guerre à La Scala Paris : de l’enfance à l’age adulte, l’histoire d’une jeune femme qui se construit, qui trouve la force de se battre dans ses poings et dans les mots. Julie Duval est magnifique. Coup de cœur pour cette histoire édifiante et initiatique

Sur la scène, un banc, comme on en trouve le long des murs des vestiaires, des salles de sports. Une paire de gants de boxe. Des chaussures à talons. Un sac de frappe, rafistolé à grands renforts de rubans adhésifs colorés. Voilà Jeanne, du haut des gradins, elle boxe l’air. On entend le bruit des cigales. Les jambes. Prête ? Gauche. Droite.

Elle a huit ans, elle vit dans le sud. Son père est manutentionnaire, sa mère s’occupe du foyer. Pour son anniversaire, son père lui offre des gants de boxe, elle a aussi le DVD de Titanic. Dans sa famille, on ne s’exprime pas, on parle peu, on ne dit pas ses sentiments. Elle a douze ans, au collège on se moque de son cartable rose, elle n’a pas de sac Eastpak. Harcelée en classe, bridée-surprotégée à la maison. Quinze ans, les règles, pourquoi on ne nous explique rien, elle est virée du collège pour avoir boxé une camarade, la voilà en boite, les premiers shots, elle n’est pas en état de se défendre. Dix huit ans, Paris, les petits boulots, la salle de boxe, le cours de théâtre, à l’initiative d’un colocataire. La suite s’écrit sous nos yeux, le premier combat de championnat.

Jeanne, c’est Julie Duval, et c’est un peu son histoire. Une jeune collégienne, qui ne fait pas de longues études. Elle n’a pas les mots, elle a ses poings. On l’enferme, elle se révolte, c’est l’agression, ignoble. Elle s’éveille, apprend, maitrise les mots, les gestes. Elle se trouve. Sa colère devient sa force. Une histoire édifiante. Initiatique. Vraie.

L’écriture de Julie Duval est brutale et directe. Des phrases courtes, des mots précis. Aucun n’est inutile, chacun porte comme portent les coups de ses poings. Juliette Bayi et Élodie Menant signent une mise en scène précise, une direction d’actrice au cordeau, qui permet à Julie Duval d’incarner la quinzaine de personnages de son histoire sans jamais perdre son public. La scénographie est réduite à l’essentiel, la lumière de Nolwenn Annic et les compositions de Rodolphe Dubreuil et Rob Adans soulignent l’action, le jeu fin, les mots précis.

L’adolescence où on étouffe, la découverte de son corps, le risque du rapport abusif quand on n’est plus en état de consentir ni de se défendre. La nécessité de trouver les mots, les gestes. De monter sur le ring de la vie, de se battre. Le message est universel, chaque génération a besoin de l’entendre. Julie Duval le dit sur une scène de théâtre, d’une façon percutante, condensée, qui parle aussi et d’abord à ceux qui ont besoin de l’entendre.

La salle était mélangée, amateurs de théâtre et scolaires. Oui, ceux qui font du bruit, ont du mal à se concentrer, réagissent fort. Des phrases courtes, des mots directs, qui portent. Ils entendent. Se sentent chez eux. L’Odeur de la Guerre les accueille quand d’autres spectacles les tolèrent. Ils suivent. Comprennent. La performance de Julie Duval a été saluée d’une standing ovation spontanée, et de longues acclamations.

Julie Duval est magnifique. Un grand coup de chapeau pour son travail, pour celui de Juliette Bayi et Élodie Menant. Et un coup de cœur pour l’Odeur de la Guerre, un spectacle qui parlera à tous, c’est aussi sa force.

A La Scala Paris jusqu’au 15/12/23
Jeudi, vendredi : 19h30
Durée : 1h15

Texte : Julie Duval
Avec : Julie Duval
Mise en scène : Juliette Bayi, Élodie Menant

Visuel : Thomas O’Brien

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com

Laisser un commentaire